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En Terrasse avec Jean-Denis Saisse, un nez exceptionnellement né

Ecrit par Pauline MALLAT.

Rencontrer Jean-Denis Saisse, c’est bien plus que recueillir le témoignage unique d’un parfumeur créateur mondialement connu et totalement passionné, c’est ouvrir le livre de la grande Histoire de la parfumerie française. Pour cela, le rendez-vous est donné sur les hauteurs de Grasse  , là où tout a commencé. De son histoire à son processus créatif en passant par la composition d’En Terrasse, parfum dont il est l’auteur et qui aurait tendance à nous faire particulièrement rêver ces temps-ci, il nous dit tout. Et nous, on adore ça ! On vous emmène ?

Découvrez les Eaux de parfums signées Jean Denis Saisse: Villa Simone, Tellement Bleu, En Terrasse de la collection French Riviera et leur version Parfums Absolus.


Le parfum, plus qu’une vocation, c’est une histoire de famille ?

Absolument car voilà 7 générations que nous sommes dans le parfum ! En 1785, l’entreprise familiale s’installait rue de la Fontette, dans le centre historique de Grasse - berceau de la parfumerie française - au milieu des tanneurs et des gantiers-parfumeurs. Celle-ci était alors spécialisée dans le Neroli, la lavande fine, la rose, le jasmin, la tubéreuse. Aujourd’hui encore, sur les terres de Caussols, nous détenons plus de 300 hectares de lavande destinés à l'origine à la culture de lavande fine. Et j’avoue être très fier de cet héritage et tout particulièrement de mon grand-père paternel. Lui qui, après avoir repris la direction de l'usine familiale Cavallier Frères, est parvenu à construire au début du siècle dernier, un véritable empire. Cela reste pour moi une tragédie qu’elle ait dû être vendue dans les années 60 mais cela n’a pas empêché le parfum de continuer à couler dans mes veines !

Cet héritage se traduit-il dans vos créations ?

J’ai grandi entouré de tubéreuses dégageant ces notes si particulières d’orange miellées et de petit gâteau crémeux; j’ai participé lorsque j’étais adolescent, à la cueillette de la rose de mai, à l’odeur incomparable ; avant mon premier emploi de parfumeur créateur, j’ai pris chaque jour pour rejoindre Monaco  , le chemin de la moyenne corniche avec cette odeur de maquis extraordinaire… Je suis évidemment empreint de ces senteurs et de tant d’autres, typiques de notre région. D’ailleurs quand je ferme les yeux et m’imagine En Terrasse, ce sont elles qui resurgissent : on sent la mer, les hespéridés auxquels se mêlent l’odeur des pins, cette odeur de résine chauffée par le soleil… On est ici, au cœur de ce paysage si particulier, entre mer et montagne avec toutes ces senteurs qui nous plongent dans un état de… contemplation. C’est là toute la magie du parfum : nous faire vivre intensément l’instant présent.



Il suffit donc de fermer les yeux pour créer un parfum ?

C’est exactement ça ! Dans un premier temps, il faut laisser libre court à son imagination. Je réfléchis beaucoup et quand je sens que tout est là, je mets la formule sur papier. Je la travaille et la retravaille, revoyant certains dosages, ajoutant, supprimant, rééquilibrant… A noter qu’à ce niveau, je ne sens rien : seule existe la formule. Tout est question d’intuition. Après quelques pesées pour réajuster, la formule est finalisée, je sais que je n’y retoucherai plus. Je ne fais jamais aucun essai. Le nez confirme toujours l'intention créative. Le parfum, ainsi réalisé, est la parfaite traduction de la musique olfactive que j’avais composée.



En Terrasse se décline en absolu et bientôt en eau fraîche. C’est-à-dire ?

Chaque nouvelle déclinaison est une réécriture de la formule d’origine. Quoique l’on choisisse de porter, En Terrasse garde la même inspiration de départ. Ainsi, pour l’absolu, il s’agissait de ne garder que l’essentiel – la fraîcheur et le boisé – et de le révéler dans toute sa quintessence. Pour cela, j’ai utilisé ce que l’on appelle des absolus, obtenus par extraction. Très peu dilués, ils offrent le parfum dans sa plus forte concentration. Ce qui en fait un jus particulièrement précieux. Pour l’eau fraîche, l’intention est différente. On cherche à rendre la formule plus légère, plus fraîche bien sûr. Pour cela, on prend des notes aromatiques que l’on associe au néroli, au pamplemousse et que l’on fait jouer avec la noix de muscade et une note de mandarine… Et c’est l’imagination qui repart ! Car même si l’intention reste la même, chaque déclinaison appelle une nouvelle formule, une nouvelle création, fidèle tout en étant différente à la première. Passionnant !


Pour vous, le parfum idéal ?

C’est celui qui est fait avec le cœur, avec passion et surtout, en prenant son temps. La parfumerie est un art et on ne compose pas une œuvre sans réflexion. Et voilà bien ce qui me ravit chez Alex Simone qui partage la même vision de la parfumerie : avec des matières premières exceptionnelles, du temps et de la patience, on fait des choses magnifiques.